Main tendue à Paul Kagame : Les propos de Félix Tshisekedi secouent la scène politique congolaise et suscitent de vives réactions

 Main tendue à Paul Kagame : Les propos de Félix Tshisekedi secouent la scène politique congolaise et suscitent de vives réactions

Les déclarations du président de la République, Félix Tshisekedi, tenues à Bruxelles (Belgique) jeudi dernier au sujet de sa main tendue à son homologue rwandais, continuent de faire couler beaucoup d’encre et de salive au sein de la classe politique congolaise. Si d’aucuns y voient un geste diplomatique visant à relancer le dialogue pour la paix, d’autres dénoncent une attitude contradictoire, voire même humiliante pour le pays.

Dans le camp de l’opposition, les critiques ne se sont pas fait attendre. S’exprimant sur son compte X (ex-Twitter), Olivier Kamitatu, porte-parole de Moïse Katumbi, a estimé que le chef de l’État a franchi la ligne rouge avec ses propos .

“Il y a des discours qui relèvent de la tragédie, d’autres de la farce. Celui que vient de prononcer le Roi Soleil appartient à la seconde catégorie. Si un autre Congolais avait osé de telles paroles, il aurait déjà été traduit devant un peloton d’exécution. Mais lui, tout lui est permis. Parce qu’il confond la République avec sa cour et la démocratie avec un théâtre d’ombres”, a-t-il fustigé.

Même son de cloche du côté de l’opposant Jean-Marc Kabund a Kabund, qui se dit consterné par les propos de Félix Tshisekedi. Dans un message posté également sur son compte X, il confie avoir eu du mal à croire ce qu’il venait d’entendre.

“Je viens de regarder une vidéo dans laquelle le Chef de l’État de la République démocratique du Congo s’exprime lors d’un forum international. Dites-moi que ce n’est pas vrai, ce que je viens d’entendre. Si cela l’est, je me pose la question : dans quoi sommes-nous ?”, a-t-il écrit.

Pour Martin Fayulu, président de l’ECiDé, la sortie du président Tshisekedi ne s’attaque pas aux véritables causes de la crise congolaise.

“M. Félix Tshisekedi doit comprendre que la crise en RDC a des causes internes (institutions illégitimes, corruption et impunité, armée faible) et externes (convoitise du Rwanda/Ouganda, complot de balkanisation). Seule la cohésion nationale via un dialogue inclusif y répondra”, a-t-il déclaré.

Quant à la majorité, elle est montée au créneau pour défendre la sortie du président Tshisekedi. Au sein de l’Union sacrée, des formations politiques et plusieurs acteurs politiques saluent une démarche qu’ils jugent responsable et courageuse. C’est notamment le cas de l’Alliance des Démocrates pour le Progrès (A.D.P.), formation politique de l’ancien ministre des Affaires étrangères Christophe Lutundula, qui estime que cette main tendue s’inscrit dans une logique de paix et de respect des principes internationaux

“L’A.D.P. soutient cette position du chef de l’État et l’encourage à œuvrer dans ce sens. L’A.D.P. espère que le président Paul Kagame prendra la main tendue, une fois de plus, par le président Tshisekedi pour la paix, la coexistence pacifique et le renforcement des liens fraternels entre les peuples congolais et rwandais. Cette offre de paix ne peut pas être interprétée comme un acte de faiblesse ou de naïveté, ni un renoncement au combat du président Tshisekedi pour l’intégrité territoriale et la souveraineté de la RDC”, peut-on lire dans le communiqué daté du 9 octobre dernier.

Il va de soi pour l’ancien ministre de l’Enseignement primaire secondaire et technique (EPST), Tony Mwaba Kazadi,, qui, selon lui, ce geste relève d’une diplomatie lucide.

« Ceux qui voient dans les propos du Président Tshisekedi une faiblesse se trompent. En réalité, il a mis encore Paul Kagame, qui l’a compris, face à ses responsabilités, en exposant publiquement le soutien du Rwanda au M23 et en lançant un nouvel appel à la paix. C’est un acte de courage et de diplomatie lucide, une preuve qu’il ne rate aucune occasion pour rétablir la paix à l’Est, par toutes les voies possibles », a-t-il déclaré.

Pendant ce temps, au Rwanda, la réaction n’a pas tardé. Le ministre des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a balayé d’un revers de main l’appel du président congolais. Il rejette en effet toute idée d’une vraie ouverture diplomatique. À l’en croire, le discours de Félix Tshisekedi n’était qu’une manœuvre politique dénuée de sincérité.

« Il ne s’agit pas d’une véritable main tendue, il s’agit plutôt d’un cinéma politique grotesque”, a-t-il déclaré, ajoutant que “ce n’était ni le lieu, ni le moment de faire cette charge contre le Rwanda”, a-t-il déclaré.

Signalons que ces échanges interviennent dans un climat régional particulièrement tendu. Sur le plan diplomatique, il y a peu, Kinshasa a refusé de signer le cadre économique régional négocié à Washington, présenté comme le prolongement économique de l’accord de paix du 27 juin dernier, sous médiation américaine. Sur le terrain, la situation demeure explosive à l’Est du pays, où les combats se sont intensifiés depuis janvier. Les villes de Goma et Bukavu sont passées sous contrôle de l’AFC/M23, mouvement soutenu par Kigali selon Kinshasa.

John Kadima

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