Kasaï Oriental-UOM : un film et un livre blanc pour que les crimes graves commis à l’Est ne tombent pas dans l’oubli, le Professeur Ntumba Luaba réclame des poursuites

Il s’est tenu ce jeudi 3 juillet, une conférence-débat autour du thème : « Les crimes graves et massifs à l’Est de la RDC : qualification et lutte contre l’impunité », organisée par l’Université Officielle de Mbujimayi (UOM). C’est la salle des fêtes de l’Hôtel Métropole de Mbujimayi qui a servi de cadre à cette rencontre tenue en partenariat avec le Mécanisme National de Suivi de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba.
Devant une crème intellectuelle composée notamment de professeurs d’universités, d’experts et d’étudiants venus de différents horizons, le recteur de l’UOM, le professeur abbé Apollinaire Cibaka Cikongo, a ouvert les assises par un message d’interpellation citoyenne. En effet, s’inspirant des épisodes bibliques du massacre des Galiléens par Pilate et de la chute de la tour de Siloé, le numéro un de l’Alma Mater a articulé sa réflexion autour de trois leçons fondamentales à tirer de ces drames. À l’en croire, la RDC ne pourra sortir de la spirale des violences que si ses fils et filles s’engagent à briser le silence, écrire leur propre histoire et affronter la vérité de leurs drames collectifs.

« Il est temps que les Congolais sortent de cette léthargie intellectuelle qui condamne notre pays à vivre son histoire sans mémoire et sans tirer les leçons politiques et sociales d’une tragédie qui revient sans cesse […] Je voudrais rappeler à tous que notre pays a urgemment besoin des Congolais qui nous aident à ne pas laisser aux autres le devoir de penser et d’écrire notre histoire […] Il est temps de nous mettre à l’école de Luc pour briser le silence, écrire notre histoire et imposer aux autres le narratif de ce que nous vivons à la première personne. », a-t-il lancé.
Dans la même veine, le recteur a dénoncé l’indifférence face aux souffrances de l’Est de la RDC et a invité à une conversion de regard et d’attitude.
« Il est temps de nous mettre à l’école de Jésus pour ne jamais condamner injustement ceux qui souffrent et pour n’avoir aucun respect pour leurs bourreaux. » Il a appelé à une culture de compassion active, en rompant avec la passivité sociale : « Nous devons passer de la culture du ‘Disama pambidi pa mukueba dishima dia mayi’ à celle du ‘Nkololu ta mukueba kaladi tulu’. », a-t-il dit.
En sus, le professeur Abbé Cibaka a insisté sur la vocation de tout citoyen à être un défenseur de la vie : « Nous ne sommes pas sur terre pour être des Ponspilates… nous ne sommes pas sur terre ni pour massacrer ni pour être massacrés, mais pour nous occuper de l’essentiel, en étant des serviteurs divins de la vie. »
Le conférencier du jour, le professeur Alphonse Ntumba Luaba Lumu a, de son côté , fait le point sur la documentation des crimes commis depuis plus de deux décennies à l’Est de la RDC et a insisté sur la nécessité impérieuse de les documenter en vue de poursuites judiciaires.
« Des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ont été commis depuis 2002 jusqu’à ce jour par le Rwanda, associé au M23 et à l’Alliance du Fleuve Congo. Il y a eu des milliers de morts, des massacres, des viols y compris sur des petits enfants […) Tous ces crimes ne doivent pas rester impunis. […] Nous avons documenté de deux façons : un film documentaire et un livre blanc pour qu’on n’oublie pas, et pour aller en justice. » Il a indiqué que des démarches sont déjà en cours auprès de plusieurs juridictions, notamment la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, la Cour pénale internationale et, probablement, la Cour internationale de justice.
Au demeurant, le professeur Ntumba a fait savoir que même des Congolais impliqués dans ces crimes ne seront pas exclus: « Rien dans l’accord de paix de Washington n’exclut la poursuite des criminels. […] Les criminels congolais, membres du M23 ou de l’AFC, doivent eux aussi répondre de leurs actes. »
Il faut souligner que cette matinée a été sanctionnée par une série d’échanges entre les participants et l’intervenant. La séance de questions-réponses a permis d’approfondir les points abordés, de lever certaines zones d’ombre sur cette question socialement importante.
John KADIMA